L’éthique du Volontariat
Suite à une action pour aider le camp de réfugiés au parc Maximilien , l’auteur s’interroge sur l’apport d’une démarche philosophique, essentiellement intérieure, à une action de volontariat, tournée vers les autres et le bien commun.
Par Sylvain Cigna, Formateur à Nouvelle Acropole Belgique
Nouvelle Acropole est une école de Philosophie qui s’organise autour de trois axes : la Philosophie, qui permet de remettre en question nos préjugés et d’orienter notre conscience ; la Culture, qui se pratique en mettant en œuvre des valeurs humaines et le Volontariat qui est la mise en œuvre des valeurs humaines dans la société qui nous entoure.
Samedi 19 septembre, des volontaires de Nouvelle Acropole sont allés prêter main forte au camp de réfugiés du Parc Maximilien. Nous y avons rencontré de nombreux volontaires qui se sont spontanément mis au service du camp. Certains d’entre eux y ont passé plusieurs semaines et logent sur place parmi les réfugiés. Nous nous sommes demandé ce que pouvait apporter une démarche philosophique dans de telles situations. Notre association n’est pas uniquement axée sur le volontariat et nous ne pouvons organiser des activités comme celles-là que dans la mesure de nos moyens et de nos missions. Outre le temps dont nous disposons pour participer à des activités citoyennes ciblées, notre travail consiste à développer une réelle éthique citoyenne, une éthique du volontariat qui peut inspirer de nombreux volontaires dans leur action, de la même manière qu’ils nous inspirent par leur dévotion, leur force et leur générosité.
Mais qu’est-ce que l’éthique ? Son étymologie vient du grec ethos qui signifie « caractère habituel ou manière d’être ». L’éthique est donc liée à la manière d’être dans la vie de tous les jours. Dans une démarche philosophique, nous cherchons à développer une manière d’être philosophique. La philosophie est l’amour ou la recherche de la sagesse. Il s’agit donc de chercher à agir avec davantage de sagesse dans toutes nos activités. En tant que philosophes, nous sommes en recherche d’une plus grande sagesse dans la mise en œuvre de nos actions de volontariat. C’est pourquoi nous accordons une attention particulière à l’orientation que nous donnons à l’action. Une action philosophique est consciemment orientée vers les valeurs humaines afin de développer d’avantage notre potentiel humain. Il est vrai que tous les volontaires pratiquent les valeurs humaines. La particularité de la démarche philosophique est néanmoins la pratique consciente de ces valeurs ainsi que le développement des outils qui en découlent.
Dans ce cadre, le volontariat peut être compris à la fois comme une activité tournée vers l’extérieur de nous-mêmes – c’est-à-dire vers la société ou les individus qui en bénéficient – et comme une activité tournée vers l’intérieur de nous-mêmes dans le sens d’un plus grand développement de nos qualités humaines. Comme toute action humaine, le volontariat est susceptible de faire grandir en nous les valeurs humaines. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une activité rémunérée : elle nous apporte donc la satisfaction d’avoir accompli quelque chose qui a une valeur profonde. Il est dès lors possible d’approfondir encore cette action par le biais de l’exercice de la conscience. Pratiquer quelque action que ce soit avec conscience, lui donne une autre dimension. Or il est difficile d’être conscient en permanence, d’être dans l’ici et maintenant. Nous pouvons utiliser pour cela la pratique de la concentration, c’est-à-dire, le fait de revenir sans cesse à la conscience, au centre de nous-mêmes. Pour parvenir à un bon niveau de concentration, il est nécessaire de la pratiquer souvent, comme on entraîne un muscle. Car, si nous l’appliquons uniquement dans les moments où nous en avons besoin, nous ne pourrons pas atteindre une certaine maîtrise. De la même manière, si nous n’entraînons pas un muscle à porter de lourdes charges, dès que nous en aurons besoin, nous ne pourrons pas l’utiliser.
La générosité est une autre qualité humaine fondamentale dans le volontariat. Se mettre au service d’un camp de réfugiés est déjà un acte généreux. Si nous regardons l’extérieur des choses, c’est vrai jusqu’à un certain point. Par contre, si nous faisons notre propre introspection, nous pouvons parfois nous rendre compte que notre égo peut tirer de nombreux bénéfices d’une action “altruiste” : reconnaissance, gratitude de la part des bénéficiaires, prestige… Il est donc possible de travailler la qualité intérieure de notre action en nous détachant progressivement des bénéfices de l’action tout en se consacrant de manière efficace à l’action pour elle-même. Nous irons de cette manière vers une générosité plus belle, plus vraie et plus juste. Des bénéfices viendront de toute manière mais ils seront davantage saisis et intégré dans notre « humanité » et ils ne seront plus le moteur de notre action.
Nous voyons donc comment la pratique de deux attributs humains, la conscience et la générosité, peut apporter une plus grande profondeur à nos actions et nous permettre de développer de nombreuses qualités qui sont présentes en nous de manière latente. La particularité de la démarche philosophique ne se situe donc pas dans la générosité de l’action ou dans sa technique mais bien dans un exercice intérieur d’attributs humains.
Nos activités de volontariat participent donc à la ville de Bruxelles et aux problématiques qu’elle rencontre mais participent également du développement de l’humain. En retour, ce développement humain peut nourrir l’action en elle-même. Le volontariat philosophique est donc ce double mouvement vers l’externe et vers l’interne qui participe de la construction d’une société meilleure basée sur des individus qui développent et donnent le meilleur d’eux-mêmes.