La place de Dieu dans la Science de l’univers

Les découvertes récentes des sciences de l’univers nous font prendre conscience de la grandeur et de la complexité inimaginable de ce dernier. L’apparition de la vie et de l’homme dépend tellement du réglage fin des constantes initiales, que l’univers semble créé pour faire surgir la conscience : c’est le principe anthropique. Et si Dieu et les lois de l’univers ne faisaient qu’un?

Par Fernand Figares –Directeur National de Nouvelle Acropole Belgique

Depuis toujours, l’homme n’a cessé de s’interroger sur sa place dans l’univers. Avec l’avènement de la science moderne et la perte d’intérêt pour la mythologie, alors que nous avons réussi à mesurer l’univers et à faire l’inventaire de son contenu matériel, cette interrogation a pris une formulation plus précise : pourquoi l’univers observé est-il si vaste et comporte-t-il un si grand nombre de galaxies (évalué à des centaines de milliards) ? Dans ce cadre, est-ce que l’apparition de la vie et de l’homme est purement le fruit du hasard ? Autrement dit, est-ce que notre existence est accidentelle, insignifiante, voire absurde ?

Avant le développement de la cosmologie relativiste (application de la théorie de la relativité générale à l’univers), ces questions relevaient uniquement de la philosophie ou de la théologie.

Depuis, toute une série d’idées, de théories et d’observations ont conduit les cosmologistes aux premières réflexions qui devaient aboutir, il y a environ trente ans, à un ensemble d’idées, appelé « principe anthropique ». Ce principe soulève aujourd’hui énormément d’intérêt dans les milieux scientifiques et philosophiques, bien qu’il fasse également l’objet de beaucoup de controverses et de critiques.

Le « principe anthropique »

L’univers semble réglé de façon extrêmement précise pour qu’il puisse héberger la vie et la conscience et que surgisse un observateur capable d’apprécier son harmonie. C’est ce qu’on appelle le « principe anthropique », du grec anthropos, homme.

Selon la forme faible du principe anthropique (Weak Anthropic Principle), la présence d’observateurs dans l’univers (c’est-à-dire nous) impose des contraintes sur la position temporelle de ceux-ci ainsi que sur les variables cosmologiques telles que la taille et la densité de l’univers.

La forme forte du principe anthropique (Strong Anthropic Principle) stipule que la présence d’observateurs dans l’univers impose aussi des contraintes sur l’ensemble des caractéristiques de celui-ci, y compris les valeurs des paramètres fondamentaux de la physique qui le caractérise. Autrement dit, l’univers, depuis sa naissance, doit être orienté et adapté à l’apparition d’êtres vivants évolués. Il s’agit là d’une proposition de caractère manifestement métaphysique. Ceci est illustré par le physicien Dyson en ces termes :

« Lorsque nous regardons l’univers et identifions les multiples accidents de la physique et de l’astronomie qui ont travaillé de concert à notre profit, tout semble s’être passé comme si l’univers devait, en quelque sorte, savoir que nous avions à apparaître ».

De ces formes différentes du principe anthropique découlent plusieurs interprétations. Parmi celles-ci, on peut épingler l’interprétation finaliste pour laquelle l’apparition d’êtres vivants fait partie d’un plan « pensé » par une intelligence cosmique. Cela rejoint l’espoir de Teilhard de Chardin lorsqu’il écrivait : « La vraie physique est celle qui parviendra, quelque jour, à intégrer l’homme total dans une représentation cohérente du monde ».

Néanmoins, la plupart des astrophysiciens continuent de défendre l’idée d’un univers gouverné par le hasard. Pour défendre cette idée, il faut tenir compte des hypothèses incompréhensibles pour la raison : l’existence d’une multitude d’univers parallèles, chacun réglé par toutes les combinaisons possibles de constantes physiques. Toutes ces combinaisons seraient stériles à l’exception de la nôtre. En d’autres mots, un « hasard » qui aurait joué à la loterie une infinité de fois jusqu’à décrocher le gros lot et permettre à la vie de se lancer dans sa prodigieuse aventure.

«  Je ne crois pas qu’il y aurait une infinité d’univers vides, et que nous serions dans celui qui a hébergé la vie, par hasard. Je ne ressens pas cela devant un télescope », affirme Trinh Xuan Thuan.

En effet, il faut savoir que l’évolution de notre univers, ou de tout autre système physique, est déterminée par ce qu’on appelle des « conditions initiales » et par une quinzaine de nombres dits « constantes physiques ».

C’est par ces conditions et ces constantes que l’univers est ce qu’il est et non pas par autre chose, car ce sont elles qui déterminent non seulement la masse et la taille des galaxies, des étoiles et de notre Terre, mais aussi celles des êtres vivants : la hauteur des arbres, la forme d’un pétale de rose, le poids et la taille des fourmis, des girafes et des hommes et probablement, l’émergence de la « conscience ».

Or, les astrophysiciens savent que si l’on changeait un tant soit peu ces constantes physiques et ces conditions initiales, l’univers serait dépourvu de vie, donc de pensée-conscience. Un changement infime d’une de ces constantes entraînerait la stérilité de l’univers. Par exemple le réglage de la densité a dû se faire avec une précision de l’ordre de 10-60, précision comparable à celle dont devrait être capable un archer qui voudrait planter sa flèche dans une cible carrée d’un centimètre carré qui serait placée aux confins de l’univers, à une distance de quinze milliards d’années lumières !!!

La situation est identique pour les autres constantes : elles doivent, toutes, être réglées de façon très précise pour permettre la vie et la conscience.

Le hasard serait-il le responsable de ces réglages ou existe-t-il une finalité, une pensée cosmique, organisatrice, celle d’un Grand Horloger ?

Le Grand Horloger

Comme nous l’avons dit, une partie du monde scientifique propose l’existence d’un principe intelligent, créateur et organisateur qui aurait réglé le déroulement de la création et de l’évolution qui a suivi.

Pour le physicien bouddhiste Trinh Xuan Thuan, l’homme n’a pas émergé par hasard dans un univers indifférent. Au contraire, tous deux sont en étroite symbiose : « Si l’univers est si grand et formidable, c’est pour permettre notre présence ».

L’univers aurait contenu en germe, dès le début, les conditions requises pour l’émergence d’un observateur. Selon le physicien Freeman Dyson : « L’univers savait quelque part que l’homme allait venir ».

Dieu ou des Lois physiques de l’univers

Bien entendu, peu de physiciens nous parlent d’un Dieu créateur mais les lois et les constantes physiques rappellent étrangement celles que toutes les mythologies et les récits de la création du monde attribuent généralement à Dieu :

  1. Elles sont universelles et s’appliquent partout dans le temps et l’espace, de notre petite Terre jusqu’aux immenses galaxies.
  2. Elles sont absolues, car elles ne dépendent pas de celui qui les découvre. Un Belge et un Chinois découvriront exactement les mêmes lois.
  3. Elles sont intemporelles : bien qu’elles décrivent un monde soumis au temps et à des phénomènes constamment changeants, elles-mêmes ne changent pas avec le temps. Nous vivons dans un univers temporel qui est décrit par des lois intemporelles.
  4. Enfin, elles sont omniscientes, car elles agissent sur les objets matériels sans que ceux-ci aient à les « informer » de leurs états particuliers. Elles « savent » à l’avance.

Ces arguments ne doivent pas nous faire croire que la science, ou certains scientifiques ont fini par découvrir Dieu dans leurs éprouvettes. Pour nous, tout ceci relève d’une logique et d’un sens commun très élaboré mais il est clair que la science et la raison ont leurs limites et qu’elles ne peuvent pas, à elles seules, s’occuper de questions si complexes qu’elles exigent le concours de toutes les disciplines abordables par l’intelligence humaine.

Pour le docteur Fritjof Capra : « … l’univers est engagé dans une danse cosmique ininterrompue. L’observateur en fait partie intégrante. Ce système reflète une réalité située au-delà du monde de la perception sensorielle ordinaire, il implique des dimensions plus vastes et transcende le langage ordinaire et la logique raisonnante. »

Quoi qu’il en soit, le dialogue entre la Science et la Religion devient possible dans la mesure ou la notion de spiritualité se libère du cadre dogmatique des trois religions du Livre qui ont baigné l’Occident depuis des siècles : La religion du futur sera une religion cosmique. Elle devra transcender l’idée d’un Dieu existant en tant que personne et éviter le dogme et la théologie. Couvrant aussi bien le naturel que le spirituel, elle devra se baser sur un sens religieux né de l’expérience de toutes les choses, naturelles et spirituelles, considérées comme un ensemble sensé ». (A. Einstein).

Bibliographie :

  • Basarab Nicolescu, Nous, la particule et le monde, Editions du Rocher, 2002.
  • David Bohn, Woleness and the implicate order (ARK Edition, 1983)
  • Freeman J. Dyson, Les Dérangeurs d’univers, Payot, 1987
  • Fritjof Capra, Le Tao de la Physique, Editions Sand, 2004 ; Le Temps du Changement, Edition du Rocher, 1983
  • Jean Charon, L’Esprit et la Relativité complexe – Les Lumières de l’Invisible, Edition Albin Michel, 1998
  • Rupert Shaldrake, Une nouvelle science de la vie, Edition du Rocher (1985)
  • Trinh Xuan Thuan, La Mélodie secrète, Edition Fayard, 1998 ; Du Chaos et de l’Harmonie, Edition Gallimard 2000